Résidence - Automne 2012 et 2013

Pour nous, depuis longtemps, Caroline Sagot-Duvauroux peint et écrit. Pour nous et avec nous. Quand on lit ses livres, il s’agit de vivre et penser. Les deux ensembles. Et c’est jubilatoire. C’est peut-être cela qui fait de cette littérature un haut domaine où on parvient de livres en livres, de phrases en phrases, surpris et riant de tant de pertinence. Il s’agit d’être dans le présent d’un repas, d’un chemin, d’un amour, dans la chair de la vie, quelque part dans le monde où ça vit, ou ça souffre, où ça jouit. Mais chaque fois il s’agit de déplier ce qu’il y a là de notre condition humaine, de débusquer les mots dans la chair. Et c’est bien une langue, une poésie, la poésie de Caroline qui commet cette surprise, c’est le chant inattendu et pourtant espéré. Elle dit ce que nous avons à dire mais que nous ne savons pas, qui nous apparaît alors comme une révélation complexe et belle. La langue de Caroline est une invention. C’est bien ce qu’on demande à la littérature : inventer ; car tous les livres du monde ne sont pas de la littérature. Rares peut-être même ceux qu’on gardera, qu’on relira. Et ceux là je peux vous l’assurer tiendront.
Caroline Sagot-Duvauroux a travaillé avec Cathie Barreau sur le projet artistique de la Maison Julien Gracq. Elle était en résidence « hors les murs » du 3 septembre au 20 octobre 2012, puis « dans les murs » en 2013.
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« Que sait-elle du fracas qui l’attend ? N’est-elle puissante que pour ce fracas-là si le fracas ne s’attend de la puissance ˙ Mars à fracas le ventre est sourd le mois de mars ˙ La boue remonte champs ardents˙ Toutes les choses sont belles toutes les choses sont loin ˙ Entre elles et moi le malaisé la grande envie d’enlisement ˙ Dans l’eau profonde les rives c’est trop loin ˙ On a roulé le long d’un quai ˙ Pas vu l’enfant décapité sous les brindilles ˙ Tu mens tu t’arranges ˙ Quelle drôle de honte confuse et vindicte ˙ Non pas le pas qui manque le joli pas dont on fait le poème ˙ Non, le loupé le petit truc faux et l’énorme tristesse ˙ Un scrupule dans l’eau puissante ˙ Va-t-elle éternellement se briser sur le même rocher ? que l’écume voudrait remonter pour aller dire à l’eau puissante arrête-toi un barrage est à deux pas ˙ Ça coule de source et ça grossit jusqu’au barrage et se brise ˙ L’énorme ça qu’on barre ˙ On devient barrage que ça submerge et ne renverse pas ˙ On devient barrage maigrissant pour ça qui coule peur puissante et langue emportée qui s’écroule dans une flaque ˙ Le requin si je tends la main ˙ Il faut se taire mais peut-on répéter sans cesse il faut se taire dans le fol enchaînement du torrent ˙ L’âme est la peur augmentée du rêve qui sait que la peur est juste et que le silence est part close de la peur qui ne sait plus déborder jusqu’au défi »
Journal d’un poème,
Éditions José corti, 2007
Aa. Journal d’un poème, Paris, José Corti Éditions, 2007,
Le vent chaule, suivi de L’herbe écrit, Paris, José Corti Éditions, 2009, prix Théophile-Gautier de l’Académie, 2010.
Le Buffre, Montpellier, France, Éditions Barre Parallèle, 2010,
Le Livre d’El ; D’où, Paris, José Corti Éditions, 2012,
J, Nice, Éditions Unes, 2015