Festival Les Préférences 2025

Le festival Les Préférences 2025 -> programmation en ligne fin juin

à quoi les livres donnent-ils lieu ?

du 23 au 28 septembre 2025,

entre Angers et Nantes, Saint-Florent-le-Vieil

 

Quand je lis un livre, je place entre le monde et moi un angle. Il s’ouvre

et se ferme quand je veux. Il se plie, se déplace, se déploie. Je le corne,

le griffonne, le retiens par coeur, l’oublie. Parfois je décide d’y séjourner

un long moment. Et d’autres fois, je le traverse à toute allure. Il est

possible que je n’y revienne jamais. Si j’en cite quelques phrases, je dis

qu’il s’agit d’un passage.

J’entretiens avec le livre les mêmes relations qu’avec un lieu.

Mais de quoi le livre est-il le lieu ?

D’une rencontre peut-être. Dans la zone intermédiaire entre soi et

l’autre qu’une langue parcourt, explore, révèle.

En français, le mot « hôte » désigne aussi bien celle ou celui qui reçoit

que celui ou celle qui est reçue. « Toute rencontre met à l’épreuve de

l’égalité elle-même », écrit Marie-José Mondzain dans K comme Kolonie,

avant de poursuivre : « L’écriture fictionnelle construit la possibilité de

cette zone (…) où l’on cesse d’occuper sa propre place et de coïncider

avec soi-même. Etre étranger à soi-même est la voie qui conduit à tout

autre. »

À propos d’Antoine Mouton : 

Antoine Mouton est né à Feurs (42) en 1981. En 2004, après des études anarchiques et variées, il envoie le manuscrit de Au nord tes parents à Richard Morgiève, auteur qu’il admire et dont l’adresse est dans l’annuaire. Celui-ci le transmet aux éditions La Dragonne, qui décident de le publier. Ce premier livre reçoit le Prix des apprentis et lycéens de la Région PACA. Après avoir vécu un temps en Islande et en Italie, il revient en France et anime des ateliers d’écriture auprès de primo-arrivants dans les Bouches-du-Rhône. De cette expérience naît un nouveau livre, Berthe pour la nuit.

Entre 2010 et 2014, il effectue plusieurs résidences et mène divers ateliers (dans des hôpitaux psychiatriques, des centres de détention…). Il compose des recueils de poèmes qui trouvent, avec l’aide de la chorégraphe Carole Bonneau, une forme scénique dans Un qui s’en va, un qui reste. Il rejoint à la même époque le bureau de lecture des « Fictions Radiophoniques » de France Culture.

En 2015 les éditions Christian Bourgois publient Le Metteur en scène polonais, roman qui figurera dans la dernière sélection du prix Médicis et la première du Grand prix de l’Académie Française. A partir de 2017, il fait partie de l’équipe pédagogique de l’ENSATT et accompagne les élèves auteurs et autrices dans l’écriture de leurs pièces. En 2020 paraît Poser problème, un recueil de poèmes aux allures de récit, aux éditions La Contre-Allée.

Il y a ainsi des livres d’hospitalité, qui donnent lieu à l’autre. À quelques

mots que les discours essaient de confisquer. À des émotions et des

pensées qui ne trouvent pas de place dans la parole. À des temps

anciens, et à d’autres non encore advenus. Au manque, à l’absence, à

l’inouï.

La tentation est grande, en écrivant, de bâtir un monde à la fois plus

secret et plus accueillant. Mais pour en voir quoi ? Et pour y vivre

comment, cette fois ? Comment défaire les regards et les mots de toute

emprise ?

Les auteurices que nous convions cette année sont attentif.ves à ces

transformations qui ont lieu avec l’écriture, et aux hégémonies qui les

empêchent. Iels accueillent sans figer, font monde sans faire empire.

Iels écrivent des romans, des pièces de théâtre, des essais, des poèmes :

c’est égal. Leurs livres sont d’abord des lieux où la langue travaille à

s’émanciper de son usage, des mondes envoûtés mais lisibles à défaut

d’être libérés, des utopies, des lieux excentriques, excentrés,

périphériques, délirants, magiques, enchantés.

Leurs livres échappent aux plans, aux destinations. Ils n’indiquent pas

de direction. Ils sont biscornus, anguleux. Il y a mille façons de s’y

trouver.

Antoine Mouton

Directeur artistique du festival Les Préférences 2025